Dans la production romanesque contemporaine, l'œuvre de Sylvie Germain occupe une place à part, affirmant sa singularité.
Magnus, paru en 2005, reçoit le prix Goncourt des lycéens et confirme le talent de son auteure. Avec ce roman, Germain s'ouvre sur d'autres perspectives que celles de raconter une histoire classique de quête d'identité d'un amnésique dans un contexte de guerre.
Au delà de la fiction, l'œuvre dévoile le souci d'innovation au cœur même des conventions littéraires. Il s'agit d'inventer de nouveaux espaces textuels et scripturaux tout en remettant en question les notions traditionnelles de la littérature. Cette recherche est paradoxalement réalisée par le biais d'un procédé rhétorique ancien, la digression, qui s'avère l'une des caractéristiques de l'écriture germainienne dans Magnus.
Rappelons que la digression consiste en un changement temporaire de sujet dans le court d'un récit. Traditionnellement, cette pratique était censurée au même titre qu'une faute, un débordement ou une inconséquence.
Une question se pose donc à nous: comment Germain s'est-elle servie de ce procédé rhétorique? A-t-elle pu détourner son image conventionnelle pour la doter d'une nouvelle forme et lui investir de nouvelles fonctions différentes de celles décriées par la rhétorique?
Tout d'abord, l'étude de la composition macrostructurale de Magnus et des rapports Digression / Texte nous a révélé que l'assimilation et l'incorporation de diverses digressions relèvent d'une tactique consciente. De même, la logique de leur insertion revêt le récit de réseaux de significations qui n'existaient pas dans leur emploi traditionnel. De sorte qu'il y ait un dialogue constant entre les diverses formes de digressions et le texte sur lequel elles se greffent.
Un autre aspect novateur de l'emploi des digressions chez Germain réside, en fait, dans leur typologie ainsi que les fonctionnalités diversifiées qui leur sont attribuées.