Que se passe-t-il lorsque la capitale est à la merci du capital, de la loi impitoyable du profit, lorsque l'être est déterminé par l'avoir ? Pot-Bouille de Zola (1882), et L'Immeuble Yacoubian de Alaa El Aswany (2002) le racontent en écrivant deux immeubles, deux villes.
Dans ces deux romans français et égyptien, l'immeuble est la donnée spatiale centrale. Chronotopique, il l'est, puisqu'il présente une vision permettant la compréhension d'un univers humain consubstantiel à une époque et un lieu précis : Paris à la fin du 19ème siècle et le Caire à la fin du 20ème siècle. Espace ellipsoïdal, placé sous le signe de l'hétérogénéité, où se juxtaposent diverses couches sociales et catégories socio-professionnelles. Classes dominantes et dominées se côtoient et s'affrontent. Ce véritable patchwork urbain reflète une image en miniature des deux villes en pleine mutation, des deux sociétés détraquées.
L'immeuble constitue l'épure topographique sur laquelle est greffée la narrativité. Il propose un cadre à l'action, définit les personnages à tous les niveaux : social, économique, politique… tout en étant inhérent à leur quête.
Ces deux romans réalistes sont définis par des critères précis : la visée didactique de décrire exhaustivement le réel, et celle « décryptive » de percer ce réel, de révéler ce qui est caché, d'enlever les masques. De là, le discours ironique se mêle au discours sérieux, bat son plein pour fustiger les institutions en place, dénoncer l'hypocrisie dans une société où l'être ne coïncide pas avec le paraître.
Une approche comparative se propose d'appréhender l'écriture de la ville à travers l'étude de l'objet architectural/ l'immeuble dans ses rapports avec le récit, et l'analyse du discours ironique.