L'histoire du Canal, depuis l'idée de son percement, a suscité une importante production littéraire dont plusieurs récits égyptiens où reviennent des thèmes tels que les travaux gigantesques, la corvée, les souffrances endurées par les fellahs égyptiens, les cérémonies de l'inauguration du Canal, les conflits politiques et économiques générés par la dette, puis en 1956 par la nationalisation, la réappropriation identitaire, les circonstances de la fermeture de cette voie d'eau après la guerre de 1967. Tous ces épisodes ont alimenté, du côté égyptien, nombre de récits historiques, fictions et témoignages autobiographiques.
C'est surtout à ces derniers que nous nous intéresserons pour étudier comment y sont décrites les particularités sociales et culturelles des trois villes du Canal : Port-Saïd, Suez et Ismaïlia. Notre corpus comprendra notamment les récits autobiographiques de Samir Amin Mémoires, L'éveil du Sud, de Naguib Amin « Les cabanons de Suez » et de l'historien Raouf Abbas « Ismaïlia remémorée. » Au-delà de leur histoire personnelle, de leurs souvenirs colorés d'une rétrospection affective, ils racontent les événements que traversent leur région et l'Egypte toute entière à un moment donné du destin du pays. Notre analyse des textes tentera essentiellement de trouver des réponses aux questions suivantes : Comment l'image des trois villes du Canal de Suez se manifeste-t-elle dans les trois témoignages en question ? Quels sont les souvenirs que privilégient les auteurs ? Comment arrivent-ils, à travers leur vision interne, à réaliser le brassage entre vie privée et histoire du pays ? Comment leur nostalgie d'un temps désormais disparu est-elle racontée ?